La sulfinpyrazone est un médicament uricosurique principalement utilisé pour prévenir la goutte en favorisant l'excrétion rénale d'acide urique, réduisant ainsi le taux d'urate sérique et le risque de dépôts de cristaux d'urate dans les articulations et les tissus. Son action repose sur l'inhibition de la réabsorption de l'urate au niveau des tubules rénaux proximaux. Développée dans les années 1950, la sulfinpyrazone a été introduite comme alternative aux traitements existants de la goutte, tels que la colchicine et l'allopurinol, notamment chez les patients nécessitant un traitement hypouricémiant mais ne tolérant pas d'autres médicaments. Avec le temps, on lui a également reconnu de légers effets antiplaquettaires, contribuant à la prévention des événements thromboemboliques et élargissant ainsi son champ d'application clinique au-delà de la prise en charge de la goutte.
NOMS COMMERCIAUX
Parmi les noms commerciaux courants de la sulfinpyrazone, on trouve :
Anturane – la marque la plus connue
ESPUTAN – moins courant, utilisé dans certaines régions
La disponibilité des marques peut varier selon les pays, et les versions génériques sont souvent commercialisées sous le nom de sulfinpyrazone.
MÉCANISME D’ACTION
La sulfinpyrazone exerce ses effets par deux mécanismes principaux. Premièrement, elle diminue le taux d’acide urique sérique et contribue à prévenir les crises de goutte en favorisant l’élimination de l’acide urique par inhibition de sa réabsorption au niveau des tubules rénaux. Deuxièmement, elle possède un effet antithrombotique en inhibant l’agrégation plaquettaire, grâce à la suppression de la synthèse du thromboxane A2, ce qui réduit le risque de formation de caillots sanguins.
PHARMACOCINÉTIQUE
Absorption
Après administration orale, la sulfinpyrazone est bien absorbée par le tractus gastro-intestinal. Les concentrations plasmatiques maximales sont généralement atteintes en 2 à 4 heures. La prise d’aliments peut légèrement ralentir l’absorption, mais n’affecte pas significativement l’absorption globale ni l’efficacité clinique du médicament. Ce médicament se lie fortement aux protéines plasmatiques, ce qui peut influencer sa distribution dans l'organisme.
Distribution
Le volume de distribution de la sulfinpyrazone est relativement faible, reflétant sa forte liaison aux protéines plasmatiques (environ 98–99 %). Les valeurs rapportées sont de l'ordre de 0,2–0,3 L/kg, indiquant que le médicament reste majoritairement dans le compartiment vasculaire plutôt que de se distribuer largement dans les tissus.
Métabolisme
La sulfinpyrazone est fortement métabolisée par le foie, principalement par des réactions d'oxydation et de conjugaison. Son métabolisme produit plusieurs métabolites inactifs qui sont ensuite excrétés dans les urines et les selles. Le métabolisme hépatique joue un rôle important dans la détermination des concentrations plasmatiques et de la durée d'action du médicament ; toute insuffisance hépatique peut modifier sa pharmacocinétique, augmentant potentiellement le risque d'effets indésirables.
Excrétion
La sulfinpyrazone est excrétée rapidement et complètement, avec plus de 95 % retrouvés en quatre jours, principalement dans les urines (85 %) et en partie dans les selles (10 %).
PHARMACODYNAMIE
Le profil pharmacodynamique de la sulfinpyrazone est caractérisé par une puissante action uricosurique qui diminue le taux d'acide urique sérique en inhibant sa réabsorption tubulaire rénale. De plus, elle exerce un effet antithrombotique en prévenant l'agrégation plaquettaire par suppression de la synthèse du thromboxane A₂. Bien qu'elle ne présente pas d'activité anti-inflammatoire et analgésique significative, la sulfinpyrazone peut également inhiber diverses protéines de transport, notamment hURAT1, hOAT4 et les protéines de résistance à de multiples médicaments (MRP).
POSOLOGIE ET MODE D'ADMINISTRATION
La sulfinpyrazone est administrée par voie orale, généralement en doses fractionnées, avec des aliments ou du lait afin de minimiser l'irritation gastro-intestinale.
Pour la goutte (traitement chronique) :
La posologie usuelle chez l'adulte est de 200 à 400 mg par jour, répartie en deux prises. En fonction de la réponse et de la tolérance, la dose peut être augmentée jusqu'à 800 mg par jour, en doses fractionnées. Le traitement doit être instauré après la résolution d'une crise de goutte aiguë, car son initiation pendant une crise peut aggraver les symptômes.
Pour un traitement antiplaquettaire (utilisation hors AMM) :
Des doses de 200 mg deux fois par jour ont été utilisées pour inhiber l'agrégation plaquettaire et réduire le risque thromboembolique, bien que cette indication soit moins fréquente aujourd'hui.
INTERACTIONS MÉDICAMENTEUSES
La sulfinpyrazone interagit avec plusieurs médicaments en modifiant leur métabolisme hépatique, leur liaison aux protéines plasmatiques et leur excrétion rénale. Elle peut potentialiser les effets de la warfarine et des hypoglycémiants, tandis que les salicylates et les diurétiques peuvent diminuer son action uricosurique. Elle peut également augmenter les concentrations plasmatiques de théophylline et de phénytoïne. Une surveillance attentive est recommandée en cas d'utilisation concomitante avec ces médicaments.
INTERACTIONS ALIMENTAIRES
L'alimentation a un effet minime sur l'absorption ou l'efficacité globale de la sulfinpyrazone. Cependant, la prise du médicament avec des aliments ou du lait est recommandée pour limiter les irritations gastro-intestinales. Il est également important de maintenir une hydratation suffisante pendant le traitement afin de prévenir la formation de calculs d'acide urique.
CONTRE-INDICATIONS
La sulfinpyrazone est contre-indiquée chez les patients présentant des affections susceptibles d'être aggravées par ses effets pharmacologiques. Elle ne doit pas être utilisée chez les personnes ayant des antécédents d'hypersensibilité à la sulfinpyrazone ou à d'autres dérivés de la pyrazolone. Elle est également contre-indiquée chez les patients souffrant d'ulcère gastroduodénal évolutif, de dyscrasies sanguines ou d'insuffisance hépatique ou rénale significative, car ces affections augmentent le risque de toxicité. De plus, son utilisation doit être évitée pendant les crises de goutte aiguës, car un traitement uricosurique peut exacerber les symptômes. La prudence est de mise chez les patients ayant des antécédents de calculs rénaux d'acide urique en raison du risque de formation de calculs.
EFFETS INDÉSIRABLES
• Troubles gastro-intestinaux.
• Crises de goutte initiales.
• Somnolence.
• Problèmes rénaux.
• Troubles hématologiques.
• Réactions allergiques graves.
• Hémorragie gastro-intestinale.
• Ganglions enflés ou douloureux.
• Augmentation de la pression artérielle.
• Vertiges ou instabilité.
• Prise de poids.
SURDOSAGE
Nausées, vomissements ou diarrhée sévères ou persistants.
Douleurs abdominales sévères ou persistantes, en particulier épigastriques (partie supérieure de l'abdomen).
Troubles de l'équilibre (ataxie). Respiration difficile ou laborieuse.
Convulsions (crises d'épilepsie), pouvant être suivies d'un coma.
TOXICITÉ
La toxicité de la sulfinpyrazone se manifeste principalement par des effets indésirables sur les systèmes gastro-intestinal, hématologique, hépatique et rénal. Les signes courants de toxicité comprennent nausées, vomissements, douleurs abdominales et saignements gastro-intestinaux dus à une irritation de la muqueuse. L'hépatotoxicité et la myélosuppression (telles qu'une agranulocytose ou une anémie aplasique) sont des complications rares mais potentiellement graves. Un surdosage peut entraîner des symptômes du système nerveux central comme des vertiges, une confusion ou des convulsions. Le médicament étant fortement métabolisé par le foie, le risque de toxicité est accru chez les patients présentant une insuffisance hépatique. La prise en charge est essentiellement symptomatique et de soutien, avec une attention particulière portée au maintien d'une hydratation adéquate, à la correction des déséquilibres électrolytiques et à la surveillance des fonctions rénale et hépatique. L'arrêt du traitement est indispensable en cas d'effets indésirables graves.